En souvenir d’APOLLO 11

La mission Apollo 11 réussissait, le 21 juillet 1969, à faire marcher les premiers hommes sur la lune.

Pour un musée consacré à l’histoire de l’informatique, 50 ans après cet exploit, n’est-il pas évident de s’intéresser plus particulièrement à l’ordinateur embarqué pour cette mission ? Un ordinateur représentant le meilleur du savoir-faire électronique de l’époque ?

Concernant les divers aspects de la mission Apollo, la littérature, les vidéos, et même un film sorti en septembre 2019 mettent à disposition une très grande quantité d’informations.
L’auteur de cet article, avec l’aide de son collègue, a voulu assembler et résumer ici de quoi mesurer plus spécifiquement l’immensité du progrès réalisé en un demi-siècle en matière d’ordinateurs et de contrôle de processus.

 

L’AGC : Apollo Guidance Computer.

 

L'Apollo Guidance Computer, AGC, était l'ordinateur embarqué de navigation et de pilotage embarqué lors de la mission Apollo 11 et suivantes.
E
n fait, il y en avait 2 : un dans le module de commande et de service, l’autre dans le module lunaire (LEM). Celui du LEM devait servir à l’alunissage automatique. Il devait aussi servir au décollage de la lune et au rapprochement avec le module de contrôle qui l’attendait en orbite lunaire.

Note: Il y avait un second ordinateur dans le LEM, l'ADS (Abort Guidance System) qui aurait permis d'assurer le décollage et le  rendez-vous avec le module de contrôle si l'AGC n'avait pas fonctionné correctement.

 AGC View

 La photo ci-dessus représente  l’ordinateur AGC avec son tableau de bord.

Caractéristiques de l’ordinateur AGC:

La conception de l'AGC fut faite par la société MIT Instrumentation Laboratory, la fabrication par SPERRY et la programmation à nouveau par le  MIT Instrumentation Laboratory. La chef de projet pour la programmation des logiciels embarqués était Margareth Hamilton. Elle avait à gérer plus de 350 personnes ! Le système opératoire de l’AGC était celui conçu par J. Halcombe Laning. Ce dernier avait introduit dans son système le concept de priorité entre tâches, concept qui s’avérera vital dans la réussite du projet. Ce concept est encore à la base des systèmes opératoires actuels.

Technologie électronique : elle utilise des circuits intégrés de 8 transistors, 2 par plaque logique. Il y en avait environ 5000. Il s’agit d’une technologie dite « RTL », c.-à-d. Resistor-Transistor-Logic, où les transistors sont de type bipolaire.AGC Integreted circuit
Cette technologie fut une des premières à être appliquée pour des circuits intégrés fabriqués industriellement en 1966.
Les circuits intégrés étaient encapsulés dans des "Flat pack ".

 AGC Core memory

Mémoire centrale : à tores magnétiques lect. / écr. (RAM): 2.048 mots de 16 bits. Photo ci-dessous.

 

 

Mémoire fixe (ROM) à tores magnétiques : 36.864 mots de 16 bits. Elle contenait tous les programmes. Cycle des mémoires : 11,72 micros secs.

Cadence processeur : 1 MHz.

L'interface utilisateur de l’ordinateur : (voir première photo, partie droite) se limitait à un clavier numérique et quelques touches de fonction.
Poids : 32 kg. Très peu pour l’époque et critère très important, en particulier pour le décollage lunaire, où chaque gramme comptait !

Dimension : 61×32×17 cm

Consommation : 55 W

Logique : AGC était multitâche (jusque 6) et conçu pour fonctionner en temps réel, c’est-à-dire apte à mesurer ou contrôler les 8 portes physiques, chacune adaptée à la vitesse de transmission du périphérique qui leur était connecté.

 

Les limites de l’AGC ont été atteintes :
1. Lors de la phase de descente vers le sol lunaire : une erreur « 1202 » fut affichée par cet ordinateur. C’est un programmeur à Houston qui en donna la signification : saturation des capacités due au traitement des informations radar. Erreur non bloquante, heureusement.

En fait, le codage était conçu de façon à donner des priorités à certaines tâches et de couper les autres afin de ne pas surcharger l'ordinateur, car on ne pouvait imaginer un blocage de l'ordinateur.

2. Une autre limite : l’AGC avait dû être débranché dans la phase finale par N. Armstrong, car il conduisait le LEM vers une pente volcanique.
3. Enfin, la programmation remarquable du rapprochement du LEM au module de commande ne fut pas assez fine. Collins du manœuvrer en phase finale d’approche pour positionner le module de commande dans le bon sens.

 

 

Références :

https://en.wikipedia.org/wiki/Resistor%E2%80%93transistor_logic

https://fr.wikipedia.org/wiki/Apollo_Guidance_Computer

https://fr.wikipedia.org/wiki/Apollo_11

https://en.wikipedia.org/wiki/File:Agc_view.jpg

http://www.righto.com/2019/01/inside-apollo-guidance-computers-core.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Margaret_Hamilton_(scientifique)

https://en.wikipedia.org/wiki/Apollo_Guidance_Computer#PNGS_trouble

 

Des photos sont rendues disponibles par la NASA, mais en version faible résolution.
La photo de la plaque circuit est dans le domaine public :
 Microscopic view of dual, three-element NOR gate, the inside of a silicon chip, used in Apollo. Photo: Lisa Young, Smithsonian
La photo du plan mémoire : “By The original uploader was Grabert at German Wikipedia. - NASA (pd), Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3984090”

 

A quoi comparer le AGC ?

 

De nombreuses comparaisons ont été faites avec des très petits ordinateurs un peu plus récents, et donc bien plus performants. Par exemple, le petit ZX Spectrum que Clive Sinclair présenta en avril 1982 et dont les successeurs eurent un grand succès ou encore la première génération de "home computer" comme l'Apple II (1977), le TRS80 (1978) et le Commodore 64 (1982).

 Mais si l’on reste dans la fin des années 1960 ?

 On peut alors penser au DEC PDP-8, dont le modèle E sortit en 1970, et que l’on peut voir au Computer Museum NAM-IP.

Fabricant: Digital Equipment Corporation, USA.

.Il avait une mémoire à tores magnétiques de 12 bits au lieu de 16.
Cette RAM comportait 16.344 mots, ordre de grandeur de la mémoire ROM de l’AGC.

Le cycle mémoire du PDP 8 se situait entre 1,2 et 1,4 microseconde, ce qui est presque 10 fois plus rapide que celle de l’AGC.

La technologie du processeur était plus moderne, déjà basée sur l' Intel 8008.

Le tableau de bord n’était composé que d'interrupteurs et d’ampoules, mais on pouvait connecter une console papier du type TTY.

La partie processeur central du PDP, donc hors tout appareil périphérique, était quand même plus volumineuse que l’ordinateur embarqué AGC. Elle était aussi plus lourde : 45 kg.

Logique : C’était aussi un ordinateur conçu temps réel, pour gérer plusieurs terminaux ou appareils de mesure, mais il n’était pas multitâche

 Référence :

https://www.pdp8.net/index.shtml

 

Chez Bull-GE il y avait le GE 55, petit ordinateur de bureau à cartes perforées, commercialisé en 1969. Il présentait curieusement certaines analogies avec l’AGC.

Conception et fabrication chez Bull-General-Electric, France.

Technologie des circuits : cartes à éléments discrets, dont des transistors.

Mémoire vive de 5.000 octets, soit 2.500 mots de 16 bits (équivalent à l’AGC)

Mémoire fixe à bâtonnets de ferrite de 1024 mots de 36 bits, soit nettement moins que l’AGC, car on n’y stockait que la partie permanente du logiciel de base de la machine, dit "firmware ".

Cycle de mémoire de 1,2 micro sec, nettement plus rapide.

Cycle machine de 7,9 micros secs, du même ordre de grandeur malgré une technologie moins avancée.

L’interface avec l’opérateur : un clavier complet pour l’entrée des données et une unité d’affichage de 8 positions comme outil de visualisation opérateur.

 

Référence :

http://www.feb-patrimoine.com/projet/ge55/ge55.htm

 

Information complémentaire.

 

- L’article ci-dessus est dédié à l’ordinateur embarqué. Il nous faut quand même signaler que la salle de contrôle du lancement, à Houston, était desservie par un énorme système temps réel, dit RTCC, qui fut réalisé et mis en place par IBM. Il était composé de 5 systèmes 360/75, le plus puissant de la gamme 360. Il comportait un nombre imposant de périphériques.

 

Ce que l’on retient de la mission Apollo 11, au-delà de l’aspect informatique.

 La mission Apollo 11 fut surtout une synthèse de ce qu’un grand nombre de sociétés américaines purent fournir de mieux dans tous les domaines, galvanisés par la volonté de dépasser les réalisations soviétiques en matière d’astronautique, lesquelles faisaient jusqu’alors figure d’avant-gardes.

 La mission démontra en particulier que les USA avaient désormais une avance considérable sur tous les autres pays en matière informatique et télécommunications.

Les médias américains furent les relais chargés de le faire savoir au monde entier.

 

 Gilbert Natan avec l’aide de René Mathieu                          2 septembre 2019