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Bien
sûr, son nom est familier
de quiconque s'intéresse un peu à l'histoire de l'informatique. Son nom
est lié
à celui de la machine analytique de Charles Babbage, au début du XIXe
siècle.
Mais encore, comment, pourquoi,
dans quelles circonstances ces deux génies se rencontrèrent-ils ?
C’est ce qu'il m’a fallu
rechercher dans quelques sources pas toujours parfaitement concordantes.
Un jour de 1814, il rencontre
une jeune femme qui est son antithèse : Annabella Mibanke. Elle avait
un esprit
extrêmement rationnel, cartésien. On la surnommait " Princesse
parallélogramme
".
Lord Byron l'épousa en pensant
sans doute qu'elle aurait une bonne influence sur lui ?
Tel ne fut pas le cas, mais cela
allait l'être de leur fille, Ada, née en décembre 1815.
La mésentente entre époux ne
tarda pas à cause du caractère volage de l'illustre conjoint.
Mésentente qui
fut telle qu'Annabella Byron s'enfuit du domicile conjugal avec sa
fille de 5
semaines à peine et se réfugia d'abord chez ses parents.
Lord Byron quitta l'Angleterre
peu après, parcourut sept ans l'Europe et mourut du paludisme en héros
romantique, en accompagnant le soulèvement indépendantiste de la Grèce
contre l'occupation ottomane.
La
suite de l'histoire explique
toute la personnalité d'Ada Byron.
Elle fut élevée, comme
les enfants riches de son époque, par des professeurs privés qui
l'initièrent à
toutes sortes de disciplines, dont bien sûr, les mathématiques et la
logique.
La tournure d'esprit héritée de sa mère ne pouvait que ravir la jeune
fille. Sa
mère lui imposait des journées d'étude très longues et dures, mais Ada
était
curieuse de tout et très douée. Sa mère recherchait les professeurs les
plus éminents
possible dans leur spécialité.
De son père il ne fut jamais
fait état avant qu'elle n'atteignît l'âge de 21 ans !
Isolées dans leurs habitations
successives, Annabella Byron ne voulut cependant pas que sa fille
ignore tout
du monde. Elles firent toutes deux un tour d'Europe en 1825. La petite
jeune
fille avait alors 10 ans. Ce
voyage
contribua à ouvrir encore plus sa curiosité pour tout ce monde qui
l'entourait,
mais sans altérer sa passion pour les mathématiques.
Son
dernier professeur de
mathématiques allait être un mathématicien célèbre en la personne
d'Augustus De
Morgan, qui est, entre
autres, le cofondateur de la logique moderne avec Boole. (voir références). En plus de ses travaux
importants en mathématique et logique, il était connu comme excellent
pédagogue.
Ada
Byron fut fort influencée
par Mary Somerville, écrivaine et grande scientifique de son temps
(astronomie
et mathématique).
La première application des
mathématiques par Ada fut l'étude de la mécanique du vol des oiseaux et
la
tentative de réaliser des ailes adaptables à l'être humain. Le rêve
d'Icare, en
somme, mais mis en forme comme un ingénieur en aéronautique ! Et cela
en 1827,
à l’âge de 12 ans ! En 1827: elle rédigea un livre, Flyology,
qu’elle
illustre de plans pour fabriquer une machine volante tout droit sortie
de son
imagination.
Ada Byron s'intéressa à bien des
choses jusqu'à un jour de 1832 où, parmi les invités de la table de sa
mère, son
professeur de mathématique parla des extraordinaires inventions de
Charles
Babbage.
Je
dois dire ici que ces années
1830 sont celles de l'enthousiasme pour les nouvelles technologies :
les
machines à vapeur, l'électricité et ses applications, les constructions
en
verre et en acier, etc.
Les inventeurs avaient des
occasions d'attirer le public à des démonstrations parfois étonnantes
de leurs
réalisations. Il n'est donc pas étonnant qu'après de nombreuses
sollicitations,
Annabella Byron amenât avec elle sa fille chez Charles Babbage, en juin
1833.
Ce qui fascina en
premier Ada, ce fut une petite danseuse mécanique, merveilleusement
restaurée
par Babbage. Puis, dans un coin, une intrigante réalisation faite de
tubes et
rouleaux en cuivre : la machine à différence de Babbage. Oui, “à
différence“
pas encore analytique, mais une machine capable de réaliser des
additions
successives en suivant une logique définie. (En
savoir plus au chapitre 3).
Ada assista à une petite
démonstration de cette machine très particulière pour son temps, très
complexe
aussi : elle se composait d'environ 2000 pièces ! Babbage fut intrigué
par l'intérêt
que la jeune fille portait à sa machine. Une conversation entre eux
s’en
suivit, au cours de laquelle il lui fit remarquer qu'il rageait parce
que les
autorités ne lui accordaient pas les moyens nécessaires aux extensions
prévues
pour sa machine.
Il lui avoua par ailleurs que
tout n'était pas encore prêt au niveau conceptuel. Sur quoi Ada, sûre
d'elle,
lui dit être prête à l'aider ! Un peu abasourdi sans doute, Ch. Babbage
lui
demanda ce qu'elle connaissait en matière de mathématiques, dont les
logarithmes, les équations, etc.
Il ne pouvait réaliser qu'il
avait en face de lui, celle que beaucoup qui la connaissaient,
considéraient
comme un génie mathématique. Elle en était consciente d'ailleurs. Elle
lui
répondit donc affirmativement et lui répéta son désir de l'aider. Ainsi
débuta
une collaboration étroite entre ces deux génies de générations
différentes.
Le
temps passant, la maman, Annabella
Byron, commença à s'inquiéter de l'avenir de sa fille. Elle était
tellement
dévouée aux recherches de Babbage qu'elle ne songeait guère aux
rencontres
masculines. Mais à cette époque, une fille de 20 ans était déjà
considérée
comme "une vieille fille". Je passe sur les détails de sa rencontre
avec un riche propriétaire terrien, William King, un homme assez
excentrique,
mais finalement bien assorti avec celle qu'il épousa en juillet 1835.
Ennobli,
il put porter le nom de comte de Lovelace. Et voilà pourquoi l'Histoire
a
retenu le nom de Ada Lovelace.
Tout
en poursuivant ses travaux,
Ada donna naissance, en 1836, à un fils, George, puis ce furent
Annabella et
Ralph. Être mère était une vocation contradictoire avec sa vocation de
chercheuse scientifique. Cela eut incontestablement un effet négatif
sur sa
santé, physique d'abord, morale ensuite.
Mais je dois revenir à
la machine de Babbage. Celui-ci présenta un jour à son assistante un
petit
portrait d'un homme assis à sa table de travail, au-dessous, il était
écrit : « A
la mémoire de J.M. Jacquard ». Le portrait n'était pas peint,
mais finement
tissé en fils de soie.
Babbage
expliqua alors comment les machines à tisser Jacquard étaient
programmées à
l’aide de cartons perforés ! Et que dès lors lui était venue
l’idée de
passer de sa « Difference Engine », qui traitait les
nombres en
séquence, à un « Analytical Engine » qui pourrait
traiter un large
éventail de fonctions mathématiques complexes. Ces traitements seraient
définis
à l’aide de cartons perforés !
Ces
cartons seraient disposés dans un ordre logique, comme pour les
machines
Jacquard, et suivis des cartons qui supporteraient les données de
calcul.
On était en 1836. Le concept des calculatrices
programmables
était né !
En 1839, Ada put se libérer de ses responsabilités de mère
et voulut se perfectionner en mathématique auprès d'Augustus
De Morgan
déjà cité plus haut.
Elle reviendra ensuite vers Charles Babbage pour poursuivre
les travaux sur la machine analytique. Mais pourquoi ce nom d’analytique
? Ce nom évoque l’analyse d’un problème à résoudre par la machine.
Il fallait ensuite qu’Ada rédige des
« diagrammes » pour définir comment devrait procéder
la machine pour
arriver au résultat recherché. Cela correspond à ce que nous appelons
des
ordinogrammes ou organigrammes de programmation. Ada devenait ainsi la
première
femme programmatrice de l’Histoire !
Charles Babbage voulut aller plus loin. Il n’avait
pas peur
de réaliser une sorte de petite locomotive à calculer ! (458
cm de haut,
18 cm de large, 61 cm de long), lui et Ada entrevoyaient comment une
telle
machine pourrait révolutionner le monde. Mais le projet venait trop
tôt :
en 1836, il n’y avait pas encore de production d’électricité de manière
industrielle. Pour cela il fallait que le Liégeois Zénobe Gramme
améliore la
dynamo (génératrice de courant continu) et l’expose à l’Académie des
sciences à
Paris en 1871.
Des machines à calculer à vapeur il n’y en aura jamais, mais
à côté des machines purement mécaniques il y aura les ancêtres des
ordinateurs,
animés par un moteur électrique : les tabulatrices.
Cependant,
elle continuait
ses relations avec Ch. Babbage. Un jour de 1840, il lui écrivit une
lettre
d’Italie (Turin) où il avait expliqué le fonctionnement de sa machine à
une
réunion de scientifiques réunis à l’Académie des sciences de Turin.
Là, il avait
rencontré Luigi
Menabrea, éminent mathématicien enthousiasmé par le concept de sa
machine.
Celui-ci avait alors transcrit tout ce que Babbage avait raconté sur
cette
machine, en ce compris tous les calculs faits pour sa réalisation. Tout
cela fut
édité en français en 1842 à la Bibliothèque Universitaire de Genève.
Babbage
souhaitait que cela fût traduit et publié en anglais.
Sur ce, Ada s’enflamma sur
l’idée de rédiger elle-même en anglais ce type de note, à partir du
texte de
Menabrea, mais en y ajoutant moult commentaires destinés à dire
exactement
comment devait fonctionner cette machine. Durant 2 ans le travail se
poursuivit
encore entre Ada et Babbage.
L’ouvrage en anglais
fut
enfin publié en 1843 sous le titre « Menabrea’s sketch of the
Analytical
Engine ». Il eut un succès retentissant et rendit
Ada Lovelace célèbre. Elle
ouvrait une fenêtre sur le monde futur, sur ce que l’on appellera plus
tard
« la révolution informatique » qui permettra une
fantastique
démultiplication des capacités du cerveau humain.
Dans la trentaine, Ada rencontra un passionné des
courses de
chevaux. Elle vit dans les paris sur les courses un moyen de gagner
l’argent
nécessaire à l’achèvement de la machine analytique, et ceci en
utilisant ses
connaissances approfondies en calculs statistiques. Elle passa ainsi du
temps à
parier sur les courses de chevaux. Hélas les lois des grands nombres
n’aident
pas aux prévisions du hasard à court terme. D’autres joueurs en firent
aussi
l’amère expérience. Elle se laissa ainsi entraîner sur la pente
financière des
grands joueurs et dilapida beaucoup de ses biens. Ceci finit par
provoquer
l’ire de son époux et se termina par la séparation du couple.
La maladie progressait inexorablement. Ada tomba définitivement malade, souffrit beaucoup de son cancer, prit des drogues pour y échapper et mourut, isolée, à 37 ans, au même âge que son père et que de grands artistes comme Raphaël, Mozart, Van Gogh, Rimbaud…
Pour entrer dans ce sujet, il faut d’abord
connaître le but
poursuivi par Ch. Babbage en concevant sa machine. En son temps, faute
de
moyens de calcul à portée de multiples savants et techniciens, des
tables de
calcul étaient éditées. Ces tables permettaient de trouver rapidement
la valeur
d’une fonction f(x) pour un x donné. Quelles fonctions ? Par exemple
les
fonctions trigonométriques, les fonctions exponentielles ou
arithmétiques. Dans
une table relative à une fonction, on trouvait pour chaque valeur de x,
la
valeur correspondante de la fonction, et cela avec au moins 6 chiffres
significatifs. Exemple : sin 5° = 0,087155.
Il existait depuis longtemps des méthodes de calcul
des
fonctions courantes, mais elles impliquaient des calculs trop longs et
fastidieux pour établir des tables, les erreurs étaient nombreuses. Les
mathématiciens avaient trouvé la parade : définir pour un
intervalle de x
une fonction polynomiale qui se rapproche le plus de la fonction
recherchée.
Un exemple de fonction polynomiale : f(x) = 2x² - 3x + 2
qui définit une parabole. Rechercher ce type de fonction et la résoudre
s’appelle « méthode des différences ».
On est donc là dans un travail de mathématique
assez complexe.
La méthode des différences permet d’établir des tables. Le
lecteur curieux peut en savoir plus en recherchant cette méthode sur
Wikipédia.
Retenons en tous cas que le nom "différence" de cette machine provient
de
cette méthode.
Reste
une question : la
méthode se base sur un genre d’algorithme pour établir une table à
partir d’un polynôme.
Mais l’algorithme suppose des additions et soustractions. Or la
calculatrice de
Babbage ne savait que réaliser des additions successives et mémoriser
quelque
résultat dans des compteurs.
Donc il fallait aller encore un
pas plus loin pour que la table en question puisse se constituer pas à
pas à
partir de seules additions successives. Cela est possible.
Sans
entrer dans les détails, on
peut réaliser que Ada et Babbage n’étaient pas trop de deux pour
valider ces
formules et les faire réaliser par leur machine à différence.
Enfin, on l’a vu au chapitre 1, ils voulaient aussi que leur machine
soit
« universelle », c’est-à-dire adaptable pour le
calcul de différents polynômes.
On dirait maintenant qu’elle devait être programmable. De là la
conception de
la machine analytique
avec programmation par
cartes perforées.
Ada
passa donc les dernières
années de sa vie à réaliser des « diagrammes » pour
cette machine,
laquelle fonctionnait à l’aide de courroies, d’engrenages, et
d’additionneurs
mécaniques. Ces diagrammes avaient pour but d’expliquer comment devait
procéder
la machine pour arriver au résultat recherché. Ceci correspond à ce que
nous
appelons aujourd’hui des organigrammes de programmation.
Ada reconnaissait que ses modèles correspondaient à ceux des métiers à
tisser
de Jacquart.
Le
fils de Charles
Babbage
acheva le prototype de la machine analytique concue par son père et Ada
Lovelace. Ce prototype se trouve conservé au Sciences Museum de
Londres.
Une
machine analytique « Babbage »
fut reconstituée et est visible au Mountain View Museum, en Californie.
C’est
sa photo qui apparaît ci-contre
Le
Département de la Défense aux Etats-Unis (le DOD) avait
organisé un appel d’offres pour un langage de programmation orienté
objet et
temps réel répondant à un cahier des charges strict.
Une équipe de CII-Honeywell-Bull, dirigée par Jean
Ichbiah,
conçut et développa un langage qui fut adopté par le DOD en 1983. Ce
langage
avait un nom : ADA, afin de perpétuer le souvenir
de cette géniale première
programmeuse. Le langage ADA est dérivé du langage PASCAL, mais apporte
un
niveau de génie logiciel supplémentaire : son compilateur
assure de
véritables contrôles de cohérence dans l’organisation du programme à
traduire.
Ce centre a été nommé ADA, en référence à ADA Lovelace et dans le cadre de l'année de la femme.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ada_Lovelace
https://en.wikipedia.org/wiki/Difference_engine
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Babbage
https://www.nndb.com/people/437/000097146/ concernant Augustus De
Morgan.
-Notes
de cours d’histoire de
l’informatique de Marie
d'Udekem-Gevers,
professeur à la faculté Informatique de l’Université de Namur. (cfr https://directory.unamur.be/staff/mgevers
)
-Article
sur Ada Lovelace de
l’historien François Holvoet-Vermaut paru dans FEB Magazine de
mars 2004.
https://master-multimedia.com/premiere-geek-de-lhistoire
https://collection.sciencemuseum.org.uk/about
Science Museum Group.
Dans
la page consacrée à Babbage, on y voit des photos des détails de la
machine.
-
Copie du logo paru à
l’occasion de la journée des femmes scientifiques.
Plus
exactement, le « STEM = Science, Technology,
Engineerig and Mathematics » qui a pour objectif d’encourager
les femmes à
adopter ces types de carrière.;
(On remarque bien dans ce dessin un trait relevé de sa
personnalité :
‘c’était une jeune femme très élégante, qui aimait être
bien vêtue)
-
Montage photographique servant
de logo à la Faculté Deusto des Sciences de l’Ingénieur à Bilbao,
Portugal.
-
Manuel du langage ADA US
Defense Department. Livre appartenant à E. Bianchi Mori
-
Photo appartenant au Mountain
View Museum, en Californie. Reproduite sous condition de citation de
droit.